Le calme avant la tempête : l'audition au Parlement européen sur l'état des lieux de l'obligation d'atterrissage avant sa mise en œuvre complète en janvier 2019 s'avère peu reluisante.
Bruxelles, le 11 octobre 2018
Brian O'Riordan
Agenda complet : http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/plmrep/COMMITTEES/PECH/DV/2018/10-08/ProgrammeHearingLandingObligation_EN.pdf
Compte tenu du titre de l'audition, on aurait pu s'attendre à une réunion plus intéressante et plus instructive. Cependant, nous avons été nourris avec plus de la même vieille, même vieille.
Alain Cadec a ouvert le bal en déclarant qu'il espérait que la réunion présenterait les principaux défis à relever, l'état des lieux, et qu'elle offrirait des solutions aux problèmes rencontrés dans la mise en œuvre de l'obligation de débarquement (LO). Il a été déçu.
Décevant également pour le segment majoritaire de la flotte des petits pêcheurs à faible impact, qui représente plus de 70% de la flotte, fournit plus de 50% des emplois et débarque 8 à 10% des captures commerciales. Bien qu'elle soit considérablement affectée par l'OL, la flotte n'a pas été mentionnée, sans parler de ce qui est fait pour atténuer l'impact de la LO pour ces dizaines de milliers de propriétaires de navires qui n'ont pas de quota et pour lesquels la politique de rejet zéro implique une politique de pêche zéro qui rendra leurs activités illégales.
M. Jean Porcher, armateur breton et président (PDG) de "Armement Porcher" a présenté le point de vue du secteur. Il gère les activités de 17 chalutiers de 25 mètres et emploie 240 personnes. Sa flotte opère environ 6 mois de l'année dans la partie ouest du canal, et peine à générer un rendement de 10% sur leur capital.
Pour sa flotte les rejets sont impossibles à gérer. Il explique qu'il n'y a pas de place à bord pour stocker toutes les prises indésirables dans des boîtes ; tout l'espace de la cale est consacré au stockage des prises sur la glace. En outre, en raison des exigences strictes en matière d'hygiène, les captures destinées à la consommation humaine doivent être séparées des captures destinées à l'alimentation industrielle, non humaine. Comment motiver les équipages travaillant sur la base d'un partage des captures à appliquer le LO lorsque le travail sur les rejets n'est pas rémunéré mais important ?
Le Dr Lisa Borges, du projet Discardless, a passé en revue l'évolution des politiques de rejet jusqu'à aujourd'hui, en commençant par 1992, lorsque la DG Mare a décidé qu'une interdiction des rejets n'était pas la meilleure idée. Elle a omis de mentionner la campagne dite "Fish Fight" menée par Hugh Fearnley-Whittingstall. Cette campagne a contribué à l'énorme pression exercée par l'opinion publique sur la Commission au cours du processus de réforme, qui a fait passer les rejets de zéro à un héros, et de nulle part à l'ordre du jour de la PCP.. Elle a souligné que dans la Baltique, aucun changement significatif dans les pratiques (pour éviter les rejets) n'était perceptible, et qu'au niveau de l'UE, il n'y avait pas de projet pour suivre et évaluer le traitement des captures indésirables en mer.
Heather Hamilton de ClientEarth a souligné que les progrès ont été beaucoup plus lents que prévu et que, comme l'a souligné l'évaluation du CSTEP de la LO, les exemptions diminuent l'efficacité. Elle a souligné l'importance d'un suivi précis des captures et le risque élevé de non-conformité dû à l'absence d'un système de suivi et de contrôle efficace, avec la nécessité de passer à des pêcheries entièrement documentées.
Elisa Roller a fait le point sur la situation, notant le pourcentage élevé de captures sous la LO (66% en Méditerranée) mais sans aucune évaluation de l'efficacité de sa mise en œuvre. En réponse aux questions des députés, elle a déclaré qu'il y avait eu beaucoup de temps pour se préparer, que de l'argent avait été dépensé, que des outils avaient été développés et mis en place, et qu'il ne devrait donc y avoir aucune raison d'avoir des surprises.
Elle a souligné qu'il a fallu des décennies à la Norvège pour récolter les fruits de sa politique en matière de rejets, et que nous ne devrions donc pas nous attendre à ce que le 1er janvier 2019, nous "passions de 0 à 100". La modification du règlement de contrôle sera importante pour s'attaquer au problème des rejets, et elle estime que les progrès réalisés par rapport aux objectifs du RMD sont une bonne nouvelle.
La seule personne à avoir mentionné que la LO présentait des problèmes particuliers pour les petites et moyennes entreprises a été le député européen Werner Kuhn, qui a également souligné la nécessité de séparer le poisson destiné à la consommation humaine des prises destinées à l'usage industriel et des aliments pour animaux non destinés à la consommation humaine directe.
Alain Cadec a résumé en rappelant qu'il avait voté contre la LO. Comme elle a été approuvée par un processus démocratique légitime, nous devons travailler avec elle. Il a prédit un temps politique orageux à veniren référence aux élections du printemps.