Le thon rouge à quai : Les pêcheurs artisanaux français mènent une action collective pour contester un système d'allocation injuste et non transparent.
Conformément à la CICTA, l'Europe célèbre l'application réussie des mesures de reconstitution des stocks de thon rouge dans ses eaux et la reconstitution des stocks en l'augmentation des quotas alloués aux secteurs de la pêche industrielle et sportive. Une fois de plus, les petits pêcheurs européens ont été négligés et leurs intérêts discriminés.
Pour attirer l'attention sur cette omission, et pour ouvrir un dialogue avec les autorités, l Syndicat des pêcheurs artisanaux d'Occitanie (anciennement SPMLR) a pris l'initiative de lancer un défi juridique contre l'arrêté ministériel français par lequel les quotas de thon sont alloués. Dans cette entreprise, elles sont rejointes par 4 autres associations, représentant les intérêts de la pêche artisanale sur les côtes françaises de la Méditerranée et de l'Atlantique, et au niveau européen. Entre elles, ces associations représentent plus de 1 500 pêcheurs artisanaux français, et environ 7 000 pêcheurs de 12 États membres européens. Ces organisations comprennent :
- La Plateforme française de la pêche artisanale à petite échelle (PPPAF) ;
- Les pêcheurs à faible impact d'Europe (LIFE)
- Le Comité Départemental des Pêches Maritimes et de l'Aquaculture de la Varoise (CDPMEM Var) ;
- Le Comité régional des pêches maritimes et de l'aquaculture des Alpes et de la Côte d'Azur (CRMEM PACA).
La diversité et la force des chiffres représentés par ces organismes mettent en évidence à la fois les frustrations et les grands espoirs des pêcheurs professionnels concernés, sur les façades maritimes atlantique et méditerranéenne de la France. L'engagement de LIFE dans la campagne souligne l'importance de la dimension européenne, où malgré une refonte importante de la réglementation dans la réforme de la politique commune de la pêche (PCP) de 2014, Les États membres sont toujours en mesure de poursuivre leurs activités comme si de rien n'était, en ignorant les intérêts du segment de la flotte artisanale.
D'une manière générale, les doléances à l'origine de l'action sont les mêmes que celles exprimées par les pêcheurs artisanaux depuis des années. Ils demandent que le mode de répartition des quotas de pêche soit modifié afin de garantir une allocation plus équitable et une plus grande répartition des bénéfices entre les pêcheurs artisanaux qui ont été exclus jusqu'à présent. En particulier, que les dispositions de L'article 17 de la PCP soit pleinement appliqué, et ne pas se contenter d'utiliser l'historique des captures comme principale méthode d'attribution des quotas.
L'article 17 oblige les États membres à utiliser des critères transparents et objectifs, y compris ceux de nature environnementale, sociale et économique, lors de l'attribution des possibilités de pêche, et les encourage à fournir des incitations aux navires de pêche déployant des engins de pêche sélectifs ou utilisant des techniques de pêche ayant un impact environnemental réduit.
Cette demande n'est pas limitée à la France, ni au thon rouge. Dans toute l'Europe, les activités de pêche artisanale, traditionnellement polyvalentes et saisonnières, sont de plus en plus contraintes d'adopter des méthodes de pêche plus homogènes et de se rabattre sur des espèces non soumises à quota, étant privées de l'accès aux espèces soumises à quota.
Le recours juridique porte sur les lacunes suivantes du système d'allocation des quotas de thon en France :
- Son mépris des articles 16 et 17 du règlement de base de la PCP (UE 1380/2013), qui obligent les États membres a) à informer la Commission des méthodes utilisées pour la répartition des possibilités de pêche ; b) à utiliser des critères transparents et objectifs pour attribuer les quotas ; et c) à fournir des incitations aux navires de pêche qui utilisent des techniques de pêche ayant un impact environnemental réduit ;
- Sa violation du droit européen de la concurrence en utilisant presque exclusivement l'historique des captures comme critère d'attribution des quotas ;
- Son utilisation quasi-exclusive de l'historique des captures comme critère d'allocation des quotas ;
- La manière irréfléchie dont elle calcule et attribue les quotas "socio-économiques" ; et
- Le non-respect du principe d'égalité dans la fixation des quotas de prises accessoires de thon rouge qui excluent les petits pêcheurs, alors que les chalutiers et certains palangriers en bénéficient.
Cette action ne signifie pas une scission entre les professionnels, les "petits" s'opposant aux "grands". Le problème de la répartition des quotas est un problème récurrent qui a une longue histoire. Le but de cette action est plutôt de débloquer la situation ; elle ne doit pas interférer avec les négociations entre professionnels du secteur. Ce n'est pas l'intention des auteurs du recours. Au contraire, la remise en cause de la loi doit servir de levier, pour faire réagir les professionnels et faire prendre conscience aux autorités de la disproportion et de l'inégalité de la situation actuelle.
En novembre dernier, le commissaire Vella a informé LIFE qu'"il appartient aux États membres de décider de la manière dont les possibilités de pêche du thon rouge sont réparties" dans les limites fixées. Il a assuré à LIFE que la Commission continuerait à aborder régulièrement cette question de l'allocation avec les États membres pour s'assurer que les dispositions sont correctement appliquées (https://lifeplatform.eu/correspondence-vella-tuna-quota/). LIFE se félicite de la réponse du commissaire et espère que cette nouvelle action mettra en lumière les domaines dans lesquels les États membres ne parviennent pas à mettre en pratique leurs engagements et permettra à la Commission de superviser l'application correcte des dispositions de la PCP.
Enfin, la CICTA et la communauté scientifique sont unanimes quant à l'amélioration de l'état de santé des stocks de thon rouge, qui sont en bonne voie de se reconstituer complètement. Ceci est confirmé par les observations régulières faites par les pêcheurs artisanaux, qui voient les thons passer sans être autorisés à les attraper.. La rareté n'est plus une excuse acceptable pour refuser l'accès aux pêcheurs à petite échelle.
Discriminer les intérêts du segment de la flotte artisanale, dont les taux de capture potentiels sont relativement faibles, et dont les techniques de pêche à la ligne et à l'hameçon sont hautement sélectif et jeter gratuitement par un tel traitement différencié n'est pas acceptable.
Il est dans l'intérêt de tous les pêcheurs professionnels et de la durabilité de leur profession qu'un rééquilibrage équitable de l'allocation des quotas soit effectué.
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